Interview a Kenitra

Maatschappelijke

Quel bon vent vous amène à Kénitra ?
Je n'ai pas l'impression de quitter ou de revenir à Kénitra tellement j'ai le sentiment d'appartenir à cette ville. D'ailleurs à Utrecht où je réside depuis une quinzaine d'années, je suis Kénitra…Il y a dix ans, j'ai composé un recueil de pièces de prose poétique intitulé " Ihtirâfou Alkounaïtira ", que l'on pourrait traduire par : Professionnalisation de Kénitra ". J'ai écrit ce livre en Hollande précisément parce que Kénitra me manquait… Alors je l'ai cherchée dans mes souvenirs des visages, des lieux familiers, je l'ai cherchée dans ses scènes de rues,dans toutes les manifestations de son identité. Aujourd'hui me voilà à Kénitra et elle me manque tout autant. Comme vous le voyez, ma relation à cette ville est véritablement passionnelle.

 

waDans quelles circonstances avez-vous quitté Kénitra ?
En 1985. J'enseignais le français à cette époque. J'étais également passionné de théâtre et j'achevais ma septième année au Conservatoire d'art dramatique de Kénitra. J'ai toujours eu beaucoup d'activités associatives notamment dans le domaine culturel. Je pense notamment au Foyer de recherche artistique et culturelle, le FRAT, qui avait été créé par une dame française au sein d'un studio de danse classique créé à Rabat dans les années 60.En 1985 donc, j'ai décroché le rôle de Youssef el Mehna, le personnage principal de " Sbeaa Snayeaa ", une pièce de M. Saïd el Ouardi. Nous en avons donné une trentaine de représentations en tournée, et la pièce avait été diffusée à la télévision. C'est là que mon destin s'est joué. Car à la même époque, j'ai reçu la proposition d'aller enseigner la langue arabe aux Pays-Bas : la municipalité d'Amsterdam avait besoin d'instituteurs de langue et de culture arabe pour la population immigrée.
Grâce à la popularité du personnage de Youssef el Mehna suite à la diffusion de la pièce à la télévision, j'ai pu " monter " mon passeport en 48 heures ! C'est ainsi que ma femme, mes trois enfants et moi-même avons pris le départ pour les Pays-Bas.

Le Maroc ne vous manque pas ?
Je pourrai envisager mon retour définitif lorsque mes enfants, âgés aujourd'hui de 16, 17 et 18 ans auront fini leurs études, trouvé un emploi et seront en mesure de fonder un foyer.
Mes enfants sont au centre de ma vie. Grâce à Dieu, ils sont profondément pénétrés des valeurs islamiques. Je pense en avoir fait de bon musulmans, de vrais marocains et de bons citoyens Européens. Je suis fier de leur capacité à distinguer entre le bon et le mauvais, à même de choisir en connaissance de cause. J'allais oublier : je ne sais pas par quel mystère, alors que l'aîné avait trois ans seulement à notre départ de Kénitra, ils sont comme moi de fervents Kénitréens… L'hérédité ?

Des projets pour votre retour au pays ?
Mon rêve : fonder une association d'érudits, d'artistes, d'intellectuels… Disons, un espace de réflexion et d'action ou je pourrais rassembler mes professeurs, mes élèves, tous les dignes filles et fils de Kénitra. Sur le plan sportif, j'aimerais également faire quelque chose pour le KAC, dont je suis membre d'honneur…

L'enseignement, le théâtre, le sport et le football en particulier, mais aussi les fonctions d'Imam à la mosquée d'Utrecht. Comment parvenez-vous à concilier toutes ces activités ?

Vous savez, toutes ces activités ne sont pas incompatibles. Quant à ma fonction d'Imam à la mosquée As Salam d'Utrecht, elle s'inscrit dans le droit fil de ma conception de l'Islam et de sa pratique qui a pour finalité la réalisation des aspirations humaines nobles, respectables et légitimes. J'ai ainsi organisé des séminaires de sensibilisation des jeunes marocains de 10 à 24 ans, qui viennent le plus souvent accompagnés de leurs parents. Il m'arrive souvent de leur donner rendez-vous ensuite sur un terrain de football, ce qui me permet par exemple de leur démontrer que le fair-play est aussi une valeur islamique. Nous organisons d'ailleurs deux tournois de football par an, qui réunissent les équipes des fidèles des quatre mosquées d'Utrecht.Sur le plan social, je suis également visiteur de prisons : il y a énormément à faire en matière de soutien matériel et psychologique mais surtout spirituel à la population carcérale d'origine maghrébine.

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